Florilège de questions autour de l’option pour l’application de la TVA sur les locations immobilières professionnelles

La Belgique était à la traîne face aux autres états membres, en ne permettant pas d’opter pour l’application de la TVA aux baux consentis à des preneurs pouvant la déduire. Ce devrait appartenir au passé à compter du 1er janvier 2018. Outre la réforme de l’impôt des sociétés, l’accord budgétaire du 26 juillet 2017 projette en effet l’introduction d’un tel régime. Comment peut-on dès lors s’y préparer, quelles modalités et contraintes en attendre, et quelles sont les opportunités à saisir ?

1.   Origine et objectif de la mesure

1.   Contexte : Les discussions sur l’introduction d’un régime de taxation optionnelle des baux à la TVA n’est pas neuve. Avant 1992, il était déjà prévu que le Roi fixe les cas et conditions dans lesquelles la « location d’immeubles industriels ou commerciaux » tombe sous l’application de la TVA (cf. art. 18, § 3, ancien, du Code TVA). En 1992, lors de l’abolition des frontières fiscales, cette disposition contestable a été abrogée au profit d’un régime d’option pour la taxation ; ce régime a finalement lui-même également été abrogé, ce avec effet rétroactif[1]. L’on en est ensuite resté sur ces entrefaites jusqu’à la Note de politique générale du 28 octobre 2016 dans laquelle le Gouvernement a annoncé étudier un tel régime « selon le modèle néerlandais »[2]. Cette intention a pris forme dans le dernier accord budgétaire qui prévoit que « les règles TVA pour les nouveaux contrats concernant la mise à disposition de biens immobiliers seront simplifiées par l’introduction d’un système optionnel d’assujettissement à la TVA en vue de mettre fin au handicap concurrentiel des opérateurs belges » (cf. Conseil des Ministres thématique, 26 juillet 2017, www.premier.fgov.be).
Le régime actuel de l’exonération de la location rend le marché belge plus cher par rapport aux pays voisins
Le régime actuel d’exonération entraîne en effet un surcoût TVA pour les opérateurs, qui rend le marché belge de la location plus cher par rapport aux pays voisins. 2.   Transposition de la Directive TVA : pour rappel, la Directive TVA prévoit que les États Membres doivent exonérer « l’affermage et la location de biens immeubles »[3]. Les États Membres peuvent cependant accorder à leurs assujettis un droit d’opter pour la taxation de ces opérations, dont ils « déterminent les modalités » et « peuvent restreindre la portée de ce droit »[4]. C’est cette faculté qu’entend mettre en œuvre le gouvernement. Pour autant, comme déjà balisé par la Cour de Justice, ce pouvoir réglementaire n’est pas illimité et, notamment, ne peut porter « indûment atteinte au droit à déduction »[5]. Nous y reviendrons.
Le pouvoir réglementaire des États membres n’est pas illimité lorsqu’ils implémentent l’option pour la taxation
À noter qu’une option peut également être ouverte pour la taxation des livraisons de bâtiments autres que neufs. Par ailleurs, l’option doit porter sur l’entièreté de la prestation (i.e. le bâtiment, son terrain y attenant et les communs qui en sont l’accessoire)[6]. 3. Pays voisins : Outre les Pays-Bas, sur le modèle duquel le régime belge devrait être calqué, l’Allemagne, la France, l’Irlande, le Luxembourg, le Royaume-Uni et la France ont (notamment) mis en œuvre un tel régime d’option. Ces régimes sont ponctuellement évoqués ci-après.

2.   Caractéristiques de l’option

4.   Option conjointe et irrévocable : selon le régime néerlandais, ce sont les parties qui lèvent l’option par écrit dans le bail ou en effectuent la demande conjointement auprès de l’administration (cf. l’art. 11, § 1er, b, 5°, de la Loi néerlandaise du 28 juin 1968 sur la TVA) ; ce choix s’y effectue pour chaque location, mais est irrévocable et perdure en cas de changement de bailleur[7]. L’administration néerlandaise permet que l’option prenne effet jusqu’à trois mois avant la date de conclusion du bail ou d’introduction de la demande d’option[8]. L’on imagine que le régime belge prévoira une flexibilité comparable. 5.   Autres régimes : dans le régime français, comme dans le régime belge envisagé en 1992, l’option appartient bailleur (sauf lorsque le preneur est un non-assujetti, auquel cas le bail doit en faire mention) (cf. l’art. 260 du Code Général des Impôts). Elle peut déjà être formulée avant achèvement de l’immeuble dès « la première concrétisation du projet », par exemple, dès « la constitution d’une société ayant pour vocation de donner un immeuble à bail »[9]. Il y est encore prévu que l’option ne peut être dénoncée avant une période de 9 années (20 années au Royaume-Uni).

3.   Conditions d’application

6.   Nature de l’immeuble : selon le modèle néerlandais, le bail doit porter sur un bien immeuble autre qu’un bâtiment, ou parties de celui-ci, utilisé comme habitation (cf. l’art. 11, § 1er, b, 5°, de la Loi du 28 juin 1968 sur la TVA). En règle, cette notion s’apprécie pour chaque « unité physiquement et économiquement distincte » (cf. Circ. du 19 septembre 2013, BLKB2013/1686M, n° 3.2.1). L’option est néanmoins également acceptée, sous certaines conditions, pour une partie d’une telle unité qui peut être utilisée ou exploitée économiquement de manière indépendante (e.g. une unité dans un plateau de bureaux ou centre d’affaires), à l’exclusion toutefois d’un bureau ou une chambre dans une habitation (pour éviter les usages impropres) (Ibid., n° 7.3.1).
Dans le régime néerlandais, une chambre dans une habitation est exclue du régime de l’option
7.   Autres régimes : Le modèle luxembourgeois apparaît suivre une logique similaire, avec la notion d’ « unité distincte susceptible d’une utilisation privative » (cf. l’art. 5 du Règlement Grand-Ducal du 7 mars 1980). Le modèle français, qui favorise l’application de la TVA, adopte pour sa part à la notion large de « locaux » mais applique l’option « par immeuble », pour les locaux qui en remplissent les conditions (i.e. pas de panachage)[10]. 8.   Activités exercées par le preneur : toujours selon le modèle néerlandais, le droit d’option est restreint aux locations à des preneurs qui utilisent le bien pour des activités qui lui ouvrent un droit à déduction complet ou presque complet (cf. l’art. 11, § 1er, b, 5°, de la Loi du 28 juin 1968 sur la TVA). Ceci exclut donc une utilisation à des fins d’habitation ou pour des besoins privés. En pratique, le droit à déduction du preneur doit s’élever à au-moins 90 % (ou 70 % pour certains secteurs, tels que les organisations patronales, les agents immobiliers ou encore les agences de voyages) (cf. Circ. du 19 septembre 2013, BLKB2013/1686M, n° 7.3.2). Des exceptions y sont encore prévues pour les exploitants de salles de congrès, de réunion ou de spectacles, qui ne doivent pas vérifier la condition des 90 % auprès des preneurs (Ibid., n° 7.3.5). Une telle condition n’est évidemment pas anodine pour les parties, y compris pour le bailleur qui encourt un risque de révision de la TVA si celle-ci venait à faire défaut. Il conviendra dès lors d’y être particulièrement attentif dans la rédaction des contrats de baux.
Conditionner l’option aux activités exercées par le preneur présente un risque à prendre ne compte dans la rédaction des conventions.
Par ailleurs, l’on peut se demander si pareille limitation n’est pas de nature à induire des distorsions de concurrence contraires au principe de neutralité de la TVA pour les assujettis mixtes. 9.   Autres régimes : une approche restrictive au niveau de l’utilisation du bien par le preneur ne s’impose pas :
  • au Luxembourg : le bien doit être utilisé à titre prépondérant par le preneur pour des activités lui ouvrant droit à déduction (cf. l’art. 3 du Règlement Grand-Ducal du 7 mars 1980) ;
  • en France : le bien doit être utilisé pour les besoins de l’activité économique ou administrative du preneur, qu’elle soit assujettie (exonérée ou non) ou encore hors champs de la TVA (cf. l’art. 260 du Code Général des Impôts ; BOI-TVA-CHAMP-50-10-20140404, n° 30-50).
Ces régimes excluent aussi l’utilisation à des fins d’habitation ou privées, y compris dans le cadre d’une sous-location (Luxembourg). 10.   Moment de l’affectation : dans le modèle néerlandais, l’affectation à des activités taxées par le preneur doit (en principe) être réalisée dans l’année de la prise en location avec une tolérance (moyennant rallongement de la période de révision) si la condition d’utilisation n’est remplie que l’année suivante ou si le bail a été résolu (cf. Circ. du 19 septembre 2013, BLKB2013/1686M, n° 7.3.6. et 7.3.7).

4.   Notion d’assujettissement à la TVA

11.Principes : dès qu’une personne effectue, d’une manière habituelle et indépendante dans l’exercice d’une activité économique des livraisons de biens et des prestations de services (exonérées ou non), elle possède de plein droit la qualité d’assujetti (cf. art. 4, § 1er, du Code TVA). La location d’un bien immeuble permet de « réaliser des recettes ayant un caractère de permanence » (cf. article 9 de la Directive TVA) et, à ce titre, constitue normalement une telle activité économique, y compris entre un associé et sa société[11]. 12.Point de départ : Cette qualité existe dès les premiers actes posés (cf. Manuel TVA, 2015, n° 83), dès lors que l’intention déclarée de commencer l’activité est confirmée par des « éléments objectifs » (cf. CJUE, 29 novembre 2012, SC Gran Via Moinesti SRL, aff. C-257/11, point 29 et jurisprudence y citée).
La qualité d’assujetti existe en principe dès les premiers actes posés
Il est ainsi accepté que les constructeurs professionnels acquièrent immédiatement cette qualité, « sans attendre d’avoir commencé à vendre, d’une manière habituelle, les bâtiments en question » (cf. Manuel TVA, 2015, n° 83). La situation est différente pour le constructeur occasionnel, qui n’est assujetti qu’en raison de son option pour la taxation de la vente. Techniquement, la présente option ne porte pas sur la qualité d’assujetti du bailleur mais bien sur la taxation (au lieu de l’exonération) de son activité de location. La qualité d’assujetti devrait donc être acquise, indépendamment de toute levée d’option. 13.Extériorisation : afin de confirmer la qualité d’assujetti, il pourrait s’avérer opportun de se réserver des preuves de l’intention de louer un (futur) bâtiment dès les premiers instants (avant même toute signature d’un bail ou levée de l’option) et, le cas échéant, effectuer la déclaration de commencement d’activité (à examiner selon les modalités concrètes non encore connues). Comme examiné ci-après, cette qualité aura son importance, notamment (i) en terme de droit à déduction et (ii) de facturation des travaux immobiliers.

5.   Droit à déduction

14.Principes : Conformément à l’article 45 du Code TVA, l’assujetti peut déduire la TVA dans la mesure où il utilise les biens et les services pour effectuer des opérations taxées. Pour les assujettis ordinaires, tel le constructeur professionnel, ce droit existe immédiatement et s’exerce via la déclaration périodique, sur base de la destination projetée des biens et des services reçus (cf. Manuel TVA, 2015, n°336 et 341 ; voy. ég. : CJUE, 18 octobre 2012, TETS Haskovo, aff. C-234/11, point 29 ; CJUE, 8 juin 2000, Grundstückgemeinschart Schloßstraße, aff. C-396/98). Le droit à déduction suppose, d’abord, l’acquisition des biens ou des services soit effectuée en cette qualité d’assujetti (cf. CJUE, arrêt du 2 juin 2005, Waterschap Zeeuws Vlaanderen, C-378/02 ; Décision E.T.110.412 du 20.12.2005)[12]. Si la qualité d’assujetti existe, le principe de neutralité de la TVA exige par contre que « les dépenses d’investissement effectuées pour les besoins et en vue d’une entreprise soient considérées comme des activités économiques donnant lieu à un droit à déduction immédiat de la TVA due en amont », et que « Partant, un particulier qui acquiert des biens pour les besoins d’une activité économique [au sens de la TVA] le fait en tant qu’assujetti, même si les biens ne sont pas immédiatement utilisés pour ces activités économiques » (CJUE, 22 mars 2012, Klub, C-153/11, points 43 et 44)[13].
Le droit à déduction existe en principe même si les biens ne sont pas immédiatement utilisés.
15.Vide locatif : D’autre part, la Cour confirme également que « en l’absence de circonstances frauduleuses ou abusives et sous réserve d’éventuelles [régularisations de la TVA], le droit à déduction, une fois né, reste acquis même lorsque l’activité économique envisagée n’a pas donné lieu à des opérations taxées », par exemple, « lorsque ce sont des circonstances étrangères à la volonté de l’assujetti qui l’ont empêché d’utiliser les biens ou services ayant donné lieu à déduction pour les besoins de ses opérations taxables » (cf. CJUE, 15 janvier 1998, Ghent Coal Terminal, C-37/95, point 22)[14]. Les principes précités devront être conciliés avec les modalités (et restrictions) au droit d’option que peuvent prévoir les États membres (cf. supra) ; à cet égard, la Cour de Justice a toutefois indiqué que :
  • « Il est certes loisible aux États membres de définir les conditions procédurales dans lesquelles un droit d’option peut être exercé, ce qui inclut la possibilité de prévoir que l’imposition ne sera effective qu’après le dépôt de la demande, et que, seulement après cette date, la déduction de taxes acquittées en amont sera possible », mais que ;
  • « de telles règles ne pourraient avoir pour conséquence de limiter le droit à opérer les déductions liées aux opérations taxées si le droit d’option a été, conformément à ces règles, valablement exercé » et, en particulier, « limiter la période dans laquelle des déductions peuvent être opérées à une période plus courte que celle prévue par la [directive] pour la régularisation des déductions » (cf. CJUE, arrêt du 30 mars 2006, Uudenkaupungin kaupunki, aff. C-184/04, point 45[15]).
Le premier tiret renvoie à une affaire où l’assujetti avait exercé tardivement l’option de sorte que le bail était d’abord resté (valablement, selon la Cour) exonéré de TVA[16]. Cet enseignement n’invalide donc pas le principe selon lequel le droit à déduction existe (i) indépendamment du résultat de l’activité taxée projetée et (ii) avant même toute levée d’option. C’est en ce sens favorable que la Cour de cassation néerlandaise a récemment confirmé, estimant qu’il n’y avait là aucun doute raisonnable possible, le droit à déduction pour les années de vide locatif subi par un immeuble destiné à être loué avec option pour la TVA (cf. Hoge Raad, 13 juin 2014, 13/00282, Rechtspraak.nl).
La Cour de cassation néerlandaise a déjà confirmé le droit à déduction en cas de vide locatif
De même, en adéquation avec les principes généraux précités, le régime français prévoit que l’option pour la taxation (qui peut être exercée dès constitution de la société – cf. supra) produit ses effets en termes de droit à déduction, même pour les locaux professionnels non effectivement donnés en location, à condition que (i) le bailler démontre ses « efforts dans la recherche active de locataires » et (ii) les locaux inoccupés représentent une « faible » proportion ou la vacance est « justifiée par des circonstances économiques indépendantes de la volonté du bailleur (début d’activité, conjoncture du marché immobilier, sinistre, etc.) » (cf. BOI-TVA-CHAMP-50-10-20140404, point 170). Nul doute que l’administration se prononcera sur ces questions, qui feront potentiellement couler de l’encre. 16.Déduction de la TVA historique : conformément au régime réglant expressément cette question, une régularisation est ouverte « lorsqu’un assujetti qui effectue des [opérations exemptées] devient, pour les mêmes opérations, un assujetti qui réalise des opérations ouvrant droit à déduction » (art. 21bis de l’Arrêté royal TVA n°3). Celle-ci s’effectue alors en faveur de l’assujetti pour la période restant à courir, année du changement de législation comprise, pour :
  • les biens d’investissement encore utilisables ;
  • les autres biens non encore utilisés (art. 21bis, § 1er, de l’Arrêté royal TVA n°3).
Un inventaire doit être dressé en double exemplaire, dont l’un à communiquer au contrôle. Lors du passage à la TVA des avocats, cet inventaire devait être remis au plus tard pour le 30 juin de l’année du changement (cf. Circ. n° AGFisc 47/2013 du 20 novembre 2013, point 115). Il ne peut dès lors qu’être conseillé de s’interroger quant aux factures sur lesquelles une révision est (ou sera) possible. 17.Régime français : sous le régime français, chaque immeuble ou ensemble d’immeuble ayant fait l’objet de l’option constitue un secteur d’activité distinct pour l’application du droit à déduction et, en cas d’immeuble à usage mixte, la proportion s’effectue sur base des surfaces (cf. BOI-TVA-CHAMP-50-10-20140404, point 130).

6.   Questions annexes

18.Entrée en vigueur : le régime optionnel est attendu pour entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2018 et ce, selon l’accord budgétaire, pour les « nouveaux contrats concernant la mise à disposition de biens immobiliers » (cf. supra). Il n’est pas évident qu’une telle date butoir ne comporte pas le germe d’une discrimination et de distorsions de concurrence[17]. 19.Base imposable minimale : en principe, à l’instar des opération de constitution d’un droit réel (qui font l’objet d’un régime de limitation du droit de déduction en amont)[18], et hors le cas de contrepartie en nature ou vis-à-vis d’un preneur lié sans droit entier à déduction de la TVA, aucune base imposable minimale ne trouve en règle à s’appliquer au montant des loyers (cf. art. 33 du Code TVA). À cet égard, la Cour a-t-elle déjà condamné la France pour avoir instauré un « régime limitant, pour les entreprises qui louent des immeubles qu’elles ont acquis ou fait construire, le droit à la déduction de la [TVA] payée en amont, lorsque le montant des recettes provenant de la location de ces immeubles est inférieur au quinzième de la valeur de ceux-ci » (cf. CJUE, 21 septembre 1988, aff. Commission c. France, aff. C-50/87 ; voy. ég. CJUE, 22 juin 2016, Gemeente Woerden, aff. C-267/15). 20.Régime cocontractant pour les travaux immobiliers : le régime de report de la TVA dans le secteur de la construction s’applique lorsque le cocontractant est un « assujetti établi en Belgique et tenu au dépôt d’une [déclaration TVA] » (cf. art. 20, § 1er, de l’Arrêté royal TVA n°1), ce qui suppose que celui-ci dispose d’un droit à déduction. Compte-tenu des modalités que peuvent prévoir les États membres (cf. supra, point 14), la question se pose de savoir si ce régime sera applicable dès avant toute location avec levée de l’option, ou si la TVA devra être préfinancée jusqu’à ce moment.
La question se pose de avoir si le régime cocontractant pour les travaux immobiliers pourra être appliqué dès avant toute levée de l’option
21.Cession ultérieure de l’immeuble : lorsque l’option a été levée et la TVA déduite, l’on peut se demander quel sera le régime en cas de vente ultérieure de l’immeuble. Compte-tenu du régime actuel, si l’immeuble n’est plus neuf au sens de la TVA, la vente de l’immeuble est en règle soumise aux droits d’enregistrement et implique une révision de la TVA dans le chef du cédant.
La question se pose du régime TVA en cas de cession de l’immeuble donné à bail avec TVA
La révision ne pourrait alors être évitée que si la cession du bâtiment s’inscrit dans le cadre plus général d’une cession de branche d’activité ou d’universalité (i.e. sous l’article 11 du Code TVA)[19]. Beaucoup d’États membres vont pourtant plus loin et permettent d’opter pour l’application de la TVA à des cessions d’immeubles anciens (e.g. la France ou les Pays-Bas)[20] sinon couplent l’option pour les locations à celles pour les ventes (e.g. Royaume-Uni). L’introduction du nouveau régime pourrait être l’occasion d’une réflexion à ce niveau, si tant est qu’il s’agirait de corriger une révision totalement inappropriée lorsque le bien continue d’être affecté à des activités taxées après la cession. 22.Combinaison avec les droits d’enregistrement : actuellement, l’administration accepte que l’application de la TVA à un bail exclut celle des droits d’enregistrement (cf. Décision E.T. 83/08-05, juillet 2014). L’on rappellera également que l’application de la TVA n’exclut pas en soi un cumul avec des droits d’enregistrement (cf. CJUE, 8 juillet 1986, Hans-Dieter et Ute Kerrutt, aff. C-73/85, point 13 ; CJUE, 20 mars 2014, Caixa d’Estalvis, aff. C-139/12, point 28).

7.   Conclusions / implications concrètes

23.Général : de manière générale, le régime optionnel va permettre d’éviter la répercussion du coût de la TVA sur les frais de construction/rénovation à des preneurs disposant d’un droit à déduction sans passer par la constitution d’un droit réel, un leasing TVA ou autres mises à dispositions plus ou moins « actives ».
Même si certains principes limitent le pouvoir réglementaire du gouvernement, l’on attend de connaître les modalités qu’il fixera. Affaire à suivre…
24.Baux commerciaux / de bureau : plus précisément, le présent régime devrait simplifier les délicates problématiques TVA liées aux gratuités / interventions diverses accordés par les bailleurs, ou au sort des travaux en cas de renouvellement ou de résiliation du bail. 25.Centre commerciaux / centre de services ou d’affaires : le présent régime devrait également simplifier drastiquement les conditions (et la mesure) dans lesquelles l’exploitation de tels centres peut être soumise à la TVA (cf. Circulaire n° AFER 39/2005 du 27 septembre 2005, pour les centres de services ou d’affaires ; Circulaire AGFisc N° 34/2012, du 29 octobre 2012, pour les centres commerciaux). L’option leur permettra d’éviter toute déperdition dans la chaîne de TVA et, par ailleurs, d’élargir leurs possibilités de tarifications et d’offres de services. 26.Domaine public : suite à la jurisprudence de la Cour de Justice, et à défaut de qualifier de mise à disposition « active », une concession domaniale constitue en règle une location immobilière exonérée. Pour ce secteur, l’option devrait également apporter une solution cohérente. 27.Location d’entrepôt : la location d’emplacement pour l’entreposage de biens est déjà exclue de l’exonération et soumise à la TVA (cf. art. 44, §3, 2°, a), du Code TVA), cependant que l’administration applique restrictivement cette exception (i.e. max. 10 % de la superficie totale de l’entrepôt pouvant être affecté à un usage de bureau – cf. Manuel TVA, 2015, n°54). L’option offrira également une solution simple dans ce cas. 28.Leasing TVA / droits réels : dans un certain nombre de cas, un leasing TVA impliquera plus de contraintes que d’opportunité (not. au niveau de la reconstitution du capital investi, de la durée du contrat et de ses modalités). Toutefois, notamment dans les secteurs du logement, de l’assistance aux personnes (e.g. maison de repos et autres) ou plus généralement exemptés (e.g. holdings, certaines entités publiques, etc.), le leasing TVA restera offrir des possibilités uniques puisque le preneur en leasing doit, certes, utiliser le bâtiment « dans le cadre de son activité d’assujetti », mais celle-ci peut parfaitement être exonérée de TVA (e.g. sous-location à des particuliers, activité des holdings, etc.) (cf. Circulaire n° AFER 10/2007 du 12 avril 2007). Par ailleurs, le leasing TVA reste conserver sa fonction d’outil de financement classique. 29.Locations intragroupe / unité TVA : pour les mises à disposition au sein de groupe ou des personnes étroitement liées, l’unité TVA ne sera plus l’alternative la plus évidente pour éviter une déperdition de la TVA. 30.Contractualisation / contrat en cours : la mise en œuvre de l’option pose déjà des questions délicates en terme de (i) gestion contractuelle des risques fiscaux y lié et (ii) d’implications pour les contrats en cours. 31.TVA historique : comme indiqué ci-avant, différents principes soutiennent la possibilité d’importantes récupérations de TVA historique pourvu que la qualité d’assujetti soit établie au moment des dépenses ; il convient dès lors d’être attentif, dès à présent, à cette question. 32. Affaire à suivre : à l’évidence, et même si l’on voit que certains principes trouveront application, l’on attend avec impatience de connaître les futures modalités qui seront choisies. Affaire à suivre donc. LANG LEGAL Eric-Gérald Lang 2 octobre 2017   [1] Voy. l’article 44, § 3, 2°, c), (ancien), du Code TVA, introduit par la Loi du 28 décembre 1992 (M.B., 31 décembre 1992), selon lequel : « les locations à un assujetti, pour les besoins de son activité économique, de bâtiments autres que ceux faisant l’objet d’un contrat (de location-financement), lorsque le bailleur a manifesté son intention de donner l’immeuble en location avec application de la taxe; le Roi détermine la forme de l’option, la manière de l’exercer ainsi que les conditions auxquelles doit satisfaire le contrat de location. ». L’arrêté en question est resté lettre morte et la disposition a été abrogée avec effet rétroactif au 1er janvier 1993 par la loi du 6 juillet 1994, portant dispositions fiscales (M.B., 16 juillet 1994). [2] Voy. Doc. Parl., ch., session 2016-2017, n°54 2111/013, p. 13 ; sur les discussions intervenues avec le secteur, voy. Ph. Coulée, « Les loyers professionnels enfin soumis à la TVA », L’Echo, 8 septembre 2017. [3] Voy. 135, § 1er, l), de la Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après, la « Directive TVA »). Le § 2 exclut de l’exonération les opérations d’hébergement, la location d’emplacement pour véhicules, la location d’outillages et machines et la location de coffres-forts, outre les exclusions supplémentaires pouvant être prévues par les États membres. [4] Voy. Art. 137 de la Directive TVA. [5] Voy. not. : CJUE, arrêt du 9 mars 2004, Vermietungsgesellschaft Objekt Kirchberg, aff. C-269/03, point 23 ; CJUE, arrêt du 30 mars 2006, Uudenkaupungin kaupunki, aff. C-184/04, point 45 ; CJUE, 8 juin 2000, Grundstückgemeinschart Schloßstraße, aff. C-396/98 ; CJUE, arrêt du 3 décembre 1998, Belgocodex, aff. C-381/97. [6] CJUE, arrêt du 8 juin 2000, Breitsohl, affaire C-400/98, Jur. 2000, I, 04321, not. points 51 et 52. Sur ces questions, voy. not. : E.-G. Lang, « Réflexions sur le régime TVA d’opérations complexes ou réalisées par plusieurs intervenants : l’exemple des opérations immobilières », R.G.F.C.P., 2016/8, et les références y citées. [7] Voy. l’art. 6a, § 1er, de l’Arrêté d’application néerlandais sur la TVA 1968 (« Uitvoeringsbeschikking omzetbelasting 1968 ») ; Circulaire du 19 septembre 2013, BLKB2013/1686M, n° 7.3. [8] Circulaire du 19 septembre 2013, BLKB2013/1686M, n° 7.3.3. [9] Voy. Annexe II, art. 193, al. 1, du Code Général des Impôts ; BOI-TVA-CHAMP-50-10-20140404, n° 100, 120 et 230. [10] Voy. Annexe II, art. 193, al. 1 et 2, du Code Général des Impôts ; BOI-TVA-CHAMP-50-10-20140404, points 100, 110 et 120. [11] Voy. ég. : CJUE, 4 décembre 1989, aff. C-186/89, Van Tiem (droit de superficie) ; CJUE, 26 septembre 1996, Enkler, aff. C-230/94 (camping-car), où la Cour précise qu’il s’agit d’une question de fait où, par exemple, « la durée effective de la location du bien, l’importance de la clientèle et le montant des recettes » ont leur importance ; CJUE, arrêt du 27 janvier 2000, Heermaaff. C-23/98 (étable). Voy. ég. : H. Vandenbergh, BTW-Handboek, Gand, Larcier, 2014, n° 2568. [12] Ainsi, lorsque leurs activités ont été soumises à la TVA, l’administration a considéré que la récupération de la TVA historique (cf. infra) n’était pas ouverte pour les administrateurs (i.e. activité initialement « hors champ » de la TVA – cf. Décision TVA n° E.T.127.850, du 30 mars 2016, titre IV, ) mais bien pour les avocats (i.e. activité initialement « exonérée » – cf. Circulaire n° AGFisc 47/2013, du 20 novembre 2013, n° 99 et ss.). [13] Voy. ég. : CJUE, 14 février 1985, Rompelman, aff. C-268/83, point 22 ; CJUE, 11 juillet 1991, Lennartz, aff. C-97/90, point 14. [14] Voy. ég. : CJUE, 29 novembre 2012, SC Gran Via Moinesti SRL, aff. C-257/11, point 29 ; CJUE, 29 février 1996, Inzo, aff. C-110/94, point 20. [15] Voy. ég. : CJUE, 8 juillet 2000, Schloẞstraẞe, C-396/98, not. points 37 et 52. [16] CJUE, arrêt du 9 mars 2004, Vermietungsgesellschaft Objekt Kirchberg, aff. C-269/03, point 23. [17] Sur cette question, voy. not. H. Vandenbergh, BTW-Handboek, Gand, Larcier, 2014, n° 126-128, et la jurisprudence y citée. [18] Q.P. n° 710 de M. de Clippele du 22 septembre 1993. Voy. ég., à cet égard : D. Mussche, « Beperkt recht op aftrek van de volle eigenaar bij de vestiging van vruchtgebruik op een nieuw gebouw », T.F.R., 2013, 440 ; J.-Ph. Roux, L. Coomans, « Cassatie bevestigt de proportionele beperking van het recht op aftrek van btw bij de overdracht van een recht van opstal betreffende een btw-nieuw gebouw », T.F.R., 2017, 516. [19] Voy. Circulaire n° AFER 10/2007 du 12 avril 2007, points 73 à 75 ; Circulaire n° AFER 46/2009 du 30 septembre 2009, section IV. [20] Art. 11, al. 1, a, 2°, et al. 5, de la Loi néerlandaise du 28 juin 1968 sur la TVA, dont les conditions sont analogues à celles de l’option pour la taxation des locations.
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