Promotion immobilière sur base d’un droit de superficie et frais de publicité : quid de la TVA ? *

En matière de promotion immobilière, il arrive fréquemment que le promoteur réalise les constructions sur la base d’un simple droit de superficie avec renonciation à l’accession (« RDA »). En corollaire, les candidats-acheteurs se voient proposer de traiter avec deux vendeurs distincts : le promoteur pour ce qui concerne les constructions (vendues sur plan, casco, ou après achèvement) et le tréfoncier/propriétaire du terrain pour ce qui en concerne les quotités. L’acheteur n’acquitte alors la TVA que sur la partie construction (p. ex. 21 %) tandis que le terrain, lui, est vendu sous droits d’enregistrement (p. ex. 12,5 %, hors éventuels abattements régionaux). Traitement fiscal Fiscalement, ce traitement différencié peut s’appuyer à la fois sur la définition stricte de la notion de « sol y attenant » en TVA (dont la cession sous TVA suppose d’être effectuée « en même temps » et par la « même personne » que celle du bâtiment neuf) et sur les principes d’assujettissement à la TVA (qui, en Belgique, ne s’étendent pas aux opérations immobilières occasionnelles)[1]. Vu les raisons économiques/financières à ce procédé (not. l’absence de préfinancement du terrain par le promoteur ou la séparation de sa réserve foncière des risques de promotion), l’administration fiscale relève ne pas y voir une « pratique abusive » « pour autant que cette manière de procéder soit appliquée de façon conséquente et quelle que soit la qualité de l’acheteur »[2]. Le caractère restrictif de la réglementation belge (satisfaisant tant le Fédéral que les Régions, à qui vont les recettes de droits d’enregistrement) a fait l’objet de certaines critiques de la part de la Commission européenne, actuellement soldées par une compensation financière[3].

Frais de publicité : quid de la TVA ?

Dans les opérations sous RDA, hors l’engagement du tréfoncier de vendre les quotités de terrain au fil des ventes des constructions, il est habituellement prévu que le promoteur s’occupe de la commercialisation du projet. Dans un arrêt du 28 novembre 2017, suivant sa propre jurisprudence, la Cour d’appel de Gand[4] vient de considérer à nouveau que lesdits frais de publicité, d’administration et de commission relatifs à la vente des unités, bien que supportés entièrement par le promoteur, portent tant sur les constructions (soumises à la TVA) que sur les quotités de terrain (non soumises à la TVA) et, dès lors, ne peuvent être considérés ni comme des « frais généraux » du promoteur ou en seul « lien direct et immédiat » avec ses ventes des constructions.

Observations

Cette décision aboutit à refuser la déduction de la TVA sur des frais dont le coût est répercuté aux acheteurs dans le prix des constructions et soumis à ce titre à la TVA. À propos de ce « lien direct et immédiat », prolongeant la jurisprudence citée dans l’arrêt commenté[5], cette fois dans le contexte même d’une promotion immobilière, la Cour de justice vient néanmoins de rappeler fermement que ce lien n’est pas exclu, même si un tiers « bénéficie à titre gratuit » des services concernés (en cause, des frais de remise en état d’une station de pompage appartenant à une commune), si ces services « n’excèdent pas ce qui est nécessaire » et « leur coût est inclus dans le prix » des opérations taxées en aval[6]. Ces principes sont déjà bien admis par l’administration pour les travaux d’infrastructure abandonnés gratuitement aux autorités, dont la TVA est déductible par le promoteur-superficiaire s’ils sont liés aux lots cédés et si leurs frais sont « compris dans la base d’imposition à la TVA des bâtiments vendus » par le promoteur[7]. L’on n’aperçoit guère en quoi ces enseignements ne sauraient être transposés aux frais de commission et autres, quand bien même ceux-ci profiteraient « gratuitement » aux tréfonciers vendeurs des terrains. À cet égard, l’on peut encore relever que les frais de « commission » constituent légalement des « frais accessoires » à la prestation principale (qui ne peuvent être refacturés comme tels aux acheteurs)[8], et faisant partie intégrante de la marge du promoteur (qui intervient à un « stade de commercialisation » ultérieur vis-à-vis des propriétaires du terrain)[9]. Pour autant, l’analyse pourra être différente pour le promoteur qui (i) aurait lui-même cédé tant le terrain que les constructions (y compris en tant que « commissionnaire »), ou qui (ii) aurait manqué de refacturer de tels frais à une société momentanée immatriculée à la TVA (qui, elle, procède à la cession des lots sous TVA)[10].
Eric-Gérald Lang – info@langlegal.be – Tous droits réservés.   * Texte reproduit avec l’aimable autorisation des éditions Anthemis (cf. B.J.S., décembre 2018, n°619, p. 12, disponible sur www.lebulletin.be). [1] Cf. resp., l’art. 1er, § 9, et les art. 8 juncto 44, § 3, 1° et 2°, du Code de la TVA. [2] Cf. art. 1er, § 10, du Code de la TVA ; déc. TVA n° ET119318 du 28 octobre 2010, point 2. [3] Cf. Union professionnelle du secteur immobilier (UPSI-BVS), Rapport annuel 2016, p. 29, disponible sur www.upsi-bvs.be. [4] Cf. Gand, 28 novembre 2017, RG n° 2016/AR/1075, infirmant Trib. Gand, 21 mars 2016, RG n° 06/85/A, disponibles sur www.fisconetplus.be ; voy. ég. : Gand, 19 octobre 2010, RG n° 2009/AR/962, disponible sur www.taxwin.be. [5] Cf. CJUE, 8 février 2007, Investrand, C-435/05 et 18 juillet 2013, AES-3C Maritza East 1 EOOD, C-124/12, disponibles sur http://curia.europa.eu/. [6] Cf. CJUE, 14 septembre 2017, Iberdrola, C-132/16 ; voy. ég. : CJUE, 22 octobre 2015, Sveda, C-126/14, disponibles sur http://curia.europa.eu/. [7] Cf. Décision TVA, n° E.T.124.513, du 23 décembre 2013, point 3.1 ; Cass., 26 février 2010, RG n° F.09.0007.F/9, disponible sur http://www.juridat.be. [8] Voy. art. 78 de la directive TVA ; art. 26 du Code de la TVA. [9] Cf. art. 32 du Code de la TVA ; Cass., 2 septembre 2016, RG n° F.14.0027.N/1, disponible sur http://www.juridat.be. [10] Cf. resp. : Cass., 20 octobre 2011, RG n° F.10.0088.N, et ; Cass., 8 avril 2011, RG n° F.10.0013.N/1, disponibles sur http://www.juridat.be.
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