Le traitement des plus-values internes et des réductions de capital postérieures : le point après l’accord budgétaire pour 2018

Plus-values internes - réduction de capital - Eric-Gérald Lang

Le traitement fiscal des opérations de plus-values internes a fait l’objet d’évolutions profondes ces dernières années. Depuis 2017, un nouveau régime renforce la neutralité fiscale des plus-values réalisées lors d’apports d’actions. Par ailleurs, les réductions de capital postérieures à de telles opérations fait l’objet d’une attention redoublée de l’administration et, en outre, leur régime est revu dans l’accord budgétaire fraichement conclu le 26 juillet 2017. Aussi, est-il intéressant d’examiner la situation et faire le point sans tarder. Texte paru dans « Actualités Fiscales, 2017, n°31, pp. 1 – 7 ».

Les opérations de plus-value interne : le régime classique

1. Régime classique : Le mécanisme des « plus-values internes » consiste pour une personne physique à apporter et/ou vendre avec plus-value (ci-après, « plus-value d’apport » et/ou « plus-value de cession ») une participation qu’elle détient à une holding (existante ou à constituer) qui lui est (partiellement ou totalement) liée. S’agissant d’une transaction avec une holding liée, la plus-value qui en résulte est qualifiée d’ « interne ». Réaliser une telle plus-value interne exonérée ne revêtirait pas un intérêt notable à l’impôt sur les revenus si elle ne permettait ensuite de redistribuer les réserves et bénéfices futurs de la société apportée (et/ou cédée) à la holding via des dividendes exonérés à 95 % (cf. le régime des revenus définitivement taxés) avant de les rapatrier auprès des actionnaires finaux sans perception du précompte mobilier, via des réductions du capital (et/ou des remboursements du prix de cession) par la holding. 2. Évolutions : Ce type d’opérations se voyait, de longue date, principalement contesté par l’administration au travers de la notion de « gestion normale d’un patrimoine privé » en avançant le caractère spéculatif de la plus-value interne réalisée par l’actionnaire et, dès lors, son caractère imposable à titre de revenu divers au taux de 33 % . Les succès de l’administration dans ce type de redressement ont été divers et, par ailleurs, depuis plus d’une dizaine d’années, le Service des Décisions Anticipées (SDA) a entériné un nombre impressionnant de ces opérations, généralement, au vu de motifs (i) de programmation patrimoniale, (ii) d’entrée de nouveaux investisseurs, (ii) de maintien du contrôle sur les sociétés, et/ou (iv) de projets de réinvestissement. Ce premier écueil passé, et moyennant le respect d’une période d’attente de trois ans (et certaines autres conditions), le contribuable pouvait sereinement envisager des réductions de capital. Les différentes évolutions législatives qui suivent viennent toutefois progressivement démanteler ce paradigme.
L’écueil de la plus-value passé, le contribuable pouvait envisager des réductions de capital. Différentes évolutions viennent démanteler ce paradigme.

Depuis 2012 : pression accrue sur les réductions de capital et la question des « liquidités excédentaires »

3. Réduction abusive : Forte de la nouvelle disposition anti-abus fiscale en vigueur depuis 2012 (cf. l’art. 344, § 1er, du CIR 92, introduit par la Loi-programme du 29 mars 2012, M.B., 6 avril 2012), et même lorsque la plus-value interne a été approuvée par l’administration (éventuellement, par un ruling), l’administration reporte son attention (et tâche de se rattraper) sur les réductions de capital postérieures à la plus-value en arguant une unité d’intention entre les opérations visant à éviter abusivement le précompte mobilier sur les réserves taxées de la société (pour un commentaire détaillé de cette pratique et son fonctionnement, voy. E.-G. Lang et B. Malvaux, « La réduction de capital post plus-value interne », Revue Belge de la Comptabilité, 2016/2). Hors moyens techniques, écarter l’abus fiscal suppose alors d’établir que les opérations répondent à d’autres motifs que la volonté d’éviter l’impôt.
Hors moyens techniques, écarter l’abus fiscal suppose alors d’établir que les opérations répondent à d’autres motifs que la volonté d’éviter l’impôt.
Vu le nouveau régime des plus-values d’apport (cf. infra), cette approche devrait essentiellement concerner les réductions de capital faisant suite à des plus-values internes réalisées avant le 31 décembre 2016. L’ISI a d’ailleurs annoncé amplifier ses contrôles (sinon procéder à des contrôles systématiques) de telles opérations effectuées sur les trois derniers exercices, estimant que ces opérations antérieures « pourront tomber dans le champ d’application de la [nouvelle] mesure anti-abus de l’article 344, § 1er, CIR 92 » (Doc. Parl., Ch., session 2016-2017, n° 54 2208/001, p. 47 ; sur l’application temporelle et la prescription applicable dans ce cadre, voy. ég. E.-G. Lang et B. Malvaux, op. cit., n°s 14 à 17, et réf. y citées). 4. Nouvelle position du SDA : avec l’introduction de la nouvelle disposition anti-abus, les plus-values internes ont fait l’objet d’un avis du SDA présentant ses nouvelles lignes de conduite (cf. SDA, Avis sur les plus-values sur actions ou parts du 28 novembre 2013). Si cet avis confirme les critères utilisés pour l’évaluation du caractère « spéculatif » de l’apport, il y ajoute également (i) réserver la question du traitement des réductions de capital postérieures et (ii) examiner la question des « liquidités excédentaires » des sociétés. Ces « liquidités excédentaires » visent les « économies » accumulées (en cash ou autrement) par la société opérationnelle et qui ne sont (ou ne seront) pas nécessaires à ses activités, lesquelles liquidités devront le cas échant être redistribuées à titre de dividendes (soumis au précompte mobilier) aux actionnaires avant l’opération d’apport afin d’obtenir une décision positive. Bien que ces deux derniers enseignements restent d’actualité, cet avis a été retiré suite à l’entrée en vigueur du nouveau régime pour les plus-values d’apport commenté au titre suivant (cf. SDA, Rapport trimestriel, 2017/2, p. 10). 5. Rulings sur les réductions de capital : dans ce nouveau contexte, il peut évidemment s’avérer opportun de sécuriser l’opération de réduction de capital et l’on voit fleurir un certain nombre de décisions du SDA sur l’absence d’abus fiscal (et donc de précompte mobilier) existant à cette occasion. Ainsi, l’on constatera avec intérêt que les circonstances suivantes ont déjà permis la délivrance d’une décision positive par le SDA : (i) lorsque la plus-value interne réalisée est tellement ancienne qu’elle exclut toute unité d’intention possible avec la réduction de capital (voy. décisions anticipées n° 2014.570 du 2 décembre 2014 et n° 2016.465 du 6 septembre 2016) ; (ii) en cas de redistribution par réduction de capital postérieure à la revente d’une participation apportée à la holding (i.e. ce qui annihile l’avantage de la plus-value interne) (voy. décisions anticipées n° 2015.538 du 22 décembre 2015 et n° 2014.319 du 19 août 2014) ; (iii) dans le contexte d’une programmation patrimoniale, où la réduction de capital vise à sortir la société opérationnelle de la société holding afin de la donner à la génération suivante (i.e. les enfants) (voy. décision anticipée n° 2016.465 du 6 septembre 2016), ou ; (iv) en cas de réduction de capital imputée sur les bénéfices réalisés postérieurement à l’apport interne (et, dès lors, qui ne vise pas à redistribuer des réserves qui existaient déjà à ce moment) (voy. les décisions anticipées : n° 2016.068 du 7 juin 2016, qui constate que (i) les sociétés ont opéré des réinvestissements après les apports internes, que (ii) la réduction de capital porte sur un montant limité, et qu’ (iii) elle correspond à des liquidités générées après l’apport interne ; n° 2016.531 du 11 octobre 2016, qui constate que (i) la réduction de capital est imputée sur les profits générés par la holding elle-même après l’apport interne (i.e. des management fees) et que (ii) la réduction vise à financer un achat immobilier par l’actionnaire ; et n° 2016.630 du 7 mars 2017, qui indique également qu’ (i) une partie des réserves antérieures seront distribuées à titre de dividende et que (ii) l’excédent de cash existe dans les sociétés en raison de circonstances externes, i.e. évolution du marché). Il s’agit d’autant de pistes ouvertes pour justifier l’absence de taxation de réductions de capital envisagées.
Le Service des Décisions Anticipées a déjà ouvert des pistes pour justifier l’absence de taxation de réductions de capital.
Le critère central apparaît ainsi que la holding fasse usage de ses propres profits, plutôt que ceux de sa filiale. Par ailleurs, les décisions tiennent également à ce que la réduction de capital ne mette pas en péril la situation financière de la société (voy. not. : décisions anticipées n° 2016.068 du 7 juin 2016 ; n° 2016.531 du 11 octobre 2016 ; n° 2016.465 du 6 septembre 2016 et n° 2016.630 du 7 mars 2017). Vu le nouveau régime de précompte mobilier prévu pour 2018, il peut être intéressant de faire le point sans retard (cf. infra).

Depuis 2017 : nouveau régime pour les plus-values d’apport

6. Nouveau régime pour les apports : Si l’approche factuelle reste de mise pour les plus-values internes antérieures au 31 décembre 2016, le législateur y a néanmoins mis un terme par sa Loi-programme du 25 juillet 2016 (M.B., 29 décembre 2016) pour les plus-values réalisées à l’occasion d’apports d’actions depuis le 1er janvier 2017 (Doc. Parl., Ch., session 2016-2017, n° 54 2208/001, p. 48. Sur ce régime, voy. not. N. Van Gils, M. Nolens et G. Bonte, « De nieuwe wetgeving inzake interne meerwaarden », A.F.T., 2017/7, pp. 4 et ss., et réf. y citées ; G. Vanden Abeele et S. Diepvens, « Nieuwe regels voor gestort kapitaal hebben ongewenste neveneffecten », Fisc. Act., 2017/17, 1-7). L’objectif du nouveau régime est d’« assurer l’application du précompte mobilier dans le cas d’un apport [d’actions ou parts] qui n’entraîne pas de taxation de plus-value [comme revenus divers] » (Doc. Parl., Ch., session 2016-2017, n° 54 2208/001, p. 46). 7. Neutralité : Ce nouveau régime entend y parvenir en neutralisant l’impact de la plus-value d’apport au niveau du capital fiscalement libéré.
Depuis le 1er janvier 2017, un nouveau régime entend assurer plus de neutralité fiscale aux opérations d’apports internes.
À défaut d’être imposable à titre de plus-value spéculative, la valeur des actions ou parts apportées par une personne physique ne formera dès lors plus du capital réellement libéré dans le chef de la société bénéficiaire qu’à concurrence de « la valeur d’acquisition des actions ou parts apportées dans le chef de l’apporteur » et, « pour le reste », sera considérée comme une « réserve taxée » (cf. l’article 184, al. 3, nouveau, du CIR 92), dont le remboursement sera fiscalement qualifié de dividende soumis au précompte mobilier (i.e. au taux de 30 % depuis le 1er janvier 2017). Le montant de réserve taxée sera ajouté à la « situation de début des réserves dans le chef de la société recevant l’apport afin de neutraliser fiscalement le mouvement des réserves à concurrence de ce montant » (cf. Doc. Parl., session 2016-2017, n° 54 2208/001, p. 49), ce qui n’a malheureusement pas encore entraîné d’adaptation formelle de l’article 74, al. 2, 1°, de l’arrêté royal d’exécution du Code des impôts sur les revenus (ci-après, « AR/CIR 92 »). Un step-up fiscal reste donc réalisé dans le chef des parties, mais il ne se répercute plus au niveau du capital libéré. 8. Notion de valeur d’acquisition : La disposition faisant référence à la valeur d’acquisition des actions dans le chef de l’apporteur, l’opération peut néanmoins rester avantageuse si cette valeur est supérieure à la valeur du capital libéré de la société apportée (e.g. si l’actionnaire en a acquis préalablement les actions auprès d’un tiers). En revanche, comme il n’est référé à cette valeur que dans le chef de l’apporteur, et non dans le chef d’un tiers dont il les tient suite à une donation ou succession par exemple, la disposition pose question en cas de telles acquisitions des actions à titre gratuit. Le Conseil d’État a relevé cette imprécision, mais le législateur n’y a pas apporté de réponse claire (cf. Doc. Parl., Ch., session 2016-2017, n° 54 2208/001, pp. 49 et 160 ; pour une discussion de ces problématiques et les inconsistances qui en résultent, voy. G. Vanden Abeele et S. Diepvens, op.cit., 1-7). À voir également ce qu’il en est si la valeur d’acquisition est inférieure au capital réellement libéré. 9. Taux réduit au précompte mobilier : dans la mesure où l’apport des actions s’effectue en nature, les actions émises à cette occasion ne bénéficieront pas du taux de précompte mobilier réduit à 20 ou 15 % (voy. l’art. 269, § 2, du CIR 92, dont l’une des conditions requiert que les actions ou parts soient souscrites « au moyen de nouveaux apports en numéraire »). Cette conséquence est contraire à l’objectif de neutralité visé par la réforme et peut s’avérer rédhibitoire dans certains cas. Il peut être espéré que le législateur y sera attentif et adaptera les conditions (cf. l’art. 269, § 2, al. 6, du CIR 92, qui neutralise l’impact de certaines opérations pour l’application du taux réduit). 10. Sociétés étrangères / autres remarques : Pour éviter les discussions, la loi a également clarifié les articles 18 et 198 du CIR 92 pour que sociétés belges et étrangères soient sur le même pied quant à la notion de capital libéré et au traitement de son remboursement (cf. art. 18, al. 1, nouveau, du CIR 92 ; Doc. Parl., Ch., session 2016-2017, n° 54 2208/001, pp. 46 et 47). Sont dès lors visés les apports d’actions ou parts par des personnes physiques résidentes belges à des sociétés tant belges qu’étrangères, et par des non-résidents, suite à des apports d’actions ou parts dans des sociétés résidentes. À noter également que le texte manque de clarté quant à son application éventuelle en cas d’apport d’une participation importante à une société hors E.E.E. soumis à une taxation de 16,5 % (cf. art. 90, al. 1er, 9°, deuxième tiret, du CIR 92). Par ailleurs, d’autres règles s’appliquent aux apports effectués par des entités soumises à l’impôt des personnes morales ou à l’impôt des sociétés.

Pas de modification pour les plus-values de cessions internes d’actions

11. Régime inchangé pour les cessions : Les opérations de cessions d’actions ou parts (en dehors d’un apport) ne sont pas visées par la nouvelle réglementation, de sorte qu’une approche factuelle – au cas par cas – continue à prévaloir. Le ministre a considéré que « une simple vente de parts ne constitue en effet pas une transaction grâce à laquelle des réserves peuvent être prélevées de la société à un taux fiscal avantageux » (Doc. Parl., Ch., session 2016-2017, n° 54 2208/008, p. 16) et que, le cas échéant, l’imposition peut « déjà être assurée » au moyen de la notion de « gestion normale du patrimoine privé » ou de « l’article 344 » (i.e. abus fiscal), pointant le cas de « la vente d’actions à une société holding en échange d’une créance (qui éventuellement plus tard peut être incorporée au capital ou être apurée par le versement de dividendes ou d’autres allocations de la part de la société d’exploitation) » (Doc. Parl., Ch., session 2016-2017, n° 54 2208/001, p. 48 ; voy. ég. : Ibid., p. 160). Le ministre ajoute encore que, dans ces cas, « la charge de la preuve et l’initiative incombent dans ce cas à l’administration » (n° 54 2208/008, p. 15). Plus récemment, le ministre a cependant affirmé, de manière assez péremptoire, que « Comme expliqué dans l’exposé des motifs de la loi, une vente d’actions n’est pas une alternative pour un apport tel que décrit ci-avant. Le contribuable qui vend des actions à son propre holding réalise une plus-value sur actions, qui est imposable parce qu’elle ne relève pas de la gestion normale du patrimoine privé. » (cf. Q.P. n° 1443 de M. Gilkinet du 30 janvier 2017 – nous soulignons).
Les opérations de cessions d’actions ou parts (en dehors d’un apport) ne sont pas visées par la nouvelle réglementation. Selon le Ministre, il s’agirait d’opérations spéculatives.
Ceci étant, le ministre avait aussi pris soin de préciser que « Si le holding compte également d’autres personnes, la situation n’est pas comparable » (Doc. Parl., Ch., session 2016-2017, n° 54 2208/008, p. 16). La jurisprudence comprend d’innombrables décisions en la matière, tant favorables que défavorables, également en cas de plus-values de cession à une holding propre (voy., récemment : Gand, 14 avril 2015, Cour. Fisc., 2015, n° 629 et Anvers, 17 février 2015, F.J.F., 2015/163 (positives) ; Bruxelles, 24 février 2016, R.G. 2005/AR/1786, fiscalnet.be (négative)) ; si de telles cessions sont régulièrement contestées, leur taxation ne sera pas forcément acceptée et tout restera une question de fait. 12. Position du SDA en matière de ventes d’actions : Si les apports à des holdings propres ont donné lieu à de nombreuses décisions positives, tel n’a pas été le cas de telles cessions par voie de ventes. L’on peut relever que de telles cessions ont, évidemment, été validées lorsque réalisées vers des holdings non (entièrement) liées (voy., pour des exemples récents : décisions anticipées n° 2016.413 du 12 juillet 2016 ; n° 2016.114 du 22 mars 2016 ; n° 2016.026 du 23 février 2016), ou éventuellement pour introduire un nouveau partenaire (voy. décisions anticipées n° 2016.389 du 5 juillet 2016 ; n° 2016.336 du 29 juin 2016). Néanmoins, des décisions positives ont également été délivrées en cas de cession à des holdings détenues par des personnes plus ou moins apparentées (p.ex. vente de la participation à la holding des enfants (voy., p.ex. : décisions anticipées n° 2016.401 du 12 juillet 2016 ; n° 2016.316 du 21 juin 2016 ; n° 2015.570 du 26 avril 2016 ; n° 2016.021 dd. 23.02.2016 ; n° 2014.339 du 5 juillet 2016), ou encore en cas de vente à la holding d’une autre branche familiale (voy. décisions anticipées n° 2016.419 du 12 juillet 2016 ; n° 2016.258 du 31 mai 2016). De telles opérations de ventes d’actions peuvent, le cas échéant, être couplée à un réinvestissement du prix de vente (voy. décisions anticipées n° 2016.389 du 5 juillet 2016 ; n° 2014.269 du 24 juin 2016), ce qui est courant dans les structures d’acquisition et s’oppose à l’exemple de l’apport de créance donné par le législateur.
Des ventes d’actions à des holdings plus ou moins apparentées ont déjà été acceptés, y compris avec réinvestissement du prix de vente.
13. Avantages de la cession : Que le prix de vente des actions soit payé immédiatement ou de manière différée, par une holding liée ou non, induit évidemment une épargne fiscale similaire à celle résultant d’apports et contre laquelle a entendu lutter la loi-programme. À l’instar des rulings précités, le vendeur en personne physique réalise une plus-value (en principe non imposable) à concurrence de laquelle l’acquéreur pourrait sortir des réserves taxées sans taxation :
  • soit en ayant acquis les actions directement via une holding d’acquisition (situation la plus courante) ;
  • soit en apportant lui-même les actions à une holding (avec une valeur d’acquisition intégrant la plus-value – cf. supra).
En d’autres termes, sous le nouveau régime, la plus-value que réalise un contribuable lors de la revente de sa société opérationnelle sera soumise au précompte mobilier (s’il l’a préalablement apportée à une holding) tandis qu’elle resterait exonérée s’il la cédait directement. 14. Incohérence globale : Si l’on comprend que le nouveau régime pour les apports d’actions vise à prévenir certains abus sans introduire une taxation déguisée des plus-values de cession d’actions, où l’approche factuelle reste privilégiée, l’on constate aussi aisément quelles incohérences (et opportunités) charrient les nouvelles disparités ainsi créées entre le régime des apports et des cessions d’actions. Ce fragile compromis poussera inévitablement les contribuables à s’organiser en fonction de ces conséquences fiscales et les confrontera au risque d’abus fiscal. Dans ce contexte, l’on peut s’attendre à ce que la question des « liquidités excédentaires » présentes dans la société cédée soit examinée avec toujours plus de précision.

À partir de 2018 : nouveau régime pour les réductions de capital

15. Régime envisagé : Parmi la série de mesures fiscales annoncées dans l’accord budgétaire du 26 juillet 2017, le gouvernement envisage d’abandonner le choix laissé aux sociétés d’imputer la réduction de capital sur leur capital libéré par priorité par rapport aux réserves taxées y incorporées (cf. Com.IR. n° 18/30), et d’introduire une règle proportionnelle. Les modalités n’en sont pas encore claires. Semblent seules visées les réductions portant sur un capital social composé tant de capital réellement libéré que de réserves y incorporées, avec une proportion calculée sur la base des réserves taxées (hors réserves immunisées et hors réserves issues de l’article 537 du CIR 92). Pareille nouvelle règle modifiera considérablement la pratique des réductions de capital en présence d’actionnaires ne bénéficiant pas d’une exonération du précompte mobilier. À noter que, sous le régime actuel, en dépit du libre choix laissé aux sociétés, et même en dehors de toute plus-value interne, des décisions sont parfois demandées sur la qualification et l’imputation de la réduction de capital, par ex. le remboursement d’une forte plus-value réalisée par la société via une réduction de capital (cf. décision anticipée n° 2016.859 du 17 janvier 2017 ; n° 2016.162 du 26 avril 2016) ou encore après des fusions (cf. décision anticipée n° 2017.058 du 4 avril 2017). 16. Impact sur les opérations de plus-values internes : Le plus simple paraît de distinguer les deux cas suivants : (i) plus-values internes réalisées avant le 31 décembre 2016 : le capital social de la holding est en principe composé essentiellement de capital réellement libéré et, dès lors :
  • l’impact de la nouvelle mesure devrait rester limité (à confirmer sur la base des modalités définitives) ;
  • la question se pose principalement d’un éventuel abus fiscal lors de la réduction de capital (cf. supra Titre ‘Depuis 2012 : pression accrue sur les réductions de capital et la question des « liquidités excédentaires »’ ;
  • si les réserves taxées de la société (incorporées ou non) sont importantes, il peut être opportun d’envisager une réduction de capital encore cette année ;
(ii) plus-values internes réalisées après le 1er janvier 2016 : le capital social de la holding est en principe composé tant de capital réellement libéré que de réserves taxées (cf. supra Titre ‘Depuis 2017 : nouveau régime pour les plus-values d’apport’) et, dès lors :
  • l’impact de la nouvelle mesure sera en règle important, y compris en terme d’impact sur le taux réduit de précompte mobilier, et rendra l’apport potentiellement inintéressant ;
  • en l’absence d’avantage fiscal, la question d’un éventuel abus fiscal ne devrait plus se poser lors de la réduction de capital (hors autres éventuelles opérations ou plus-values internes) ;
  • si les réserves taxées de la société (incorporées ou non) sont importantes, il est théoriquement opportun d’envisager une réduction de capital encore cette année (avec un risque d’abus, vu le faible laps de temps entre l’apport et la réduction).
17. Vu la modification profonde attendue du régime applicable aux réductions de capital, la prudence invite certainement à surveiller ces développements et vérifier leur impact sur les situations individuelles.

Remarque : déduction des RDT

18. Nouvelle disposition anti-abus : Depuis le 1er janvier 2016, en transposition de la Directive 2015/121/UE modifiant la Directive 2011/96/UE (Directive mère-fille), une nouvelle disposition anti-abus spécifique est venue conditionner le régime d’exonération des dividendes (i.e. RDT) (cf. art. 203, § 1er, al. 1, 7°, nouveau, du CIR 92, introduit par la Loi du 1er décembre 2016 portant des dispositions fiscales (M.B., 8 décembre 2016)). Cette disposition exclut l’exonération en cas de montages « non authentiques », à savoir dont l’objectif est d’obtenir l’exonération en contrariété à l’objet et au but de la directive, sauf à établir que le montage a été mis en place « pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique » (cf. art. 203, § 2, al. 8, nouveau, du CIR 92 ; voy. ég. Doc. Parl., Ch., session 2015-2016, n° 54 2052/001, p. 8). Il s’agit d’un moyen supplémentaire pour l’administration en cas d’interposition d’une holding et, dès lors, également dans le cadre d’opérations de plus-values internes. À noter qu’un tel abus apparaît en principe exclu en cas de « gestion financière active » (voy. ég. Doc. Parl., Ch., session 2015-2016, n° 54 2052/001, p. 10), ce qui constitue une activité récurrente dans le chef de holdings.

Observations finales

19. Démantèlement effectif : Les modifications précitées infligent autant de revers sérieux aux contribuables qui envisageraient encore des opérations de plus-values internes.
Les modifications précitées infligent autant de revers sérieux aux contribuables qui envisageraient encore des opérations de plus-values internes.
Certaines pistes restent cependant envisageables, notamment en cas de valeur d’acquisition des actions supérieure à la valeur du capital libéré ou sur la base de ventes des actions à des personnes apparentées, de structures d’acquisition spécifiques, ou encore de paiement au comptant du prix des actions. Pour le reste, vu les faibles avantages fiscaux inhérents au nouveau cadre légal, les simples apports d’actions devraient devenir contre-productifs fiscalement (et, dès lors, peu critiquables par le fisc). Nul doute que de subtils débats verront le jour quant aux motivations économiques des structurations envisagées (y compris par rapport aux éventuelles « liquidités excédentaires ») afin de distinguer l’acceptable de l’abus, et qu’un soin toujours plus important devra leur être consacré. 20. Opérations antérieures : Pour les contribuables qui ont réalisé des plus-values internes avant le 31 décembre 2016 (avec ou sans ruling), les avantages potentiels existent toujours. C’est alors sur le régime des réductions de capital qu’il faut se pencher à la lumière du risque d’abus fiscal.
Pour les contribuables qui ont réalisé des plus-values internes avant le 31 décembre 2016 (avec ou sans ruling), les avantages potentiels existent toujours.
Plus généralement, le nouveau régime envisagé pour les réductions de capital à compter du 1er janvier 2018 devrait également inviter les contribuables à s’interroger quant à son impact sur leur situation propre et si des mesures peuvent être prises d’ici à la fin de l’année.